Monsieur le Président de la République,
Monsieur le Ministre de la Culture et du Patrimoine Historique,
Mesdames et Messieurs les Ministres,
Mesdames et Messieurs, honorables représentants du Corps diplomatique,
Honorables invités, en vos rangs, grades et qualités,
Chers amis,
En tant que Martiniquaise, je suis honorée et très heureuse de participer à vos côtés, ici à Dakar, à ce moment historique, que constitue la pose de la première pierre du Mémorial de Gorée.
Ici, au Sénégal, j’ai été accueillie comme une sœur. Mon fils et moi-même avons été reçus comme des enfants du pays, et nous vous en remercions de tout cœur.
Avec ce Mémorial, le Sénégal accueille le monde, tout le monde. Ceux qui, hier, avaient été séparés du monde et d’eux-mêmes, rejetés, exclus de l’humanité, sont aujourd’hui ceux qui reçoivent, ceux qui partagent et qui dialoguent avec le monde. Ceux qui, jadis, avaient été rabaissés, réifiés, niés, sont aujourd’hui, par ce Mémorial, ceux qui agissent en humains – j’ajoute en humanistes véritables -, en œuvrant pour le bien universel, sans exclusive, pour la connaissance universelle comme pour la reconnaissance de l’apport des peuples noirs à l’Histoire, à la Culture – en somme à la vie elle-même.
« Que de sang dans ma mémoire ! Dans ma mémoire sont des lagunes. Elles sont couvertes de têtes de morts. Elles ne sont pas couvertes de nénuphars. Dans ma mémoire sont des lagunes. Sur leurs rives ne sont pas étendus des pagnes de femmes. Ma mémoire est entourée de sang. Ma mémoire a sa ceinture de cadavres ! » (1)
La mémoire du poète Aimé Césaire est aussi la mienne, la vôtre. La mémoire du poète est notre mémoire commune, à nous, Martiniquais, Sénégalais, Antillais, Africains, Afro-caribéens, Afro-descendants, sœurs et frères de douleur, mais riches de nos particularités, peuples amis, tournés vers l’avenir.
Le Mémorial de Gorée, à l’instar des visionnaires Senghor et Césaire, nous dit qu’il n’est point question d’oublier, mais qu’il s’agit de bâtir des lendemains meilleurs, de nouer des liens plus fraternels entre nous comme avec toutes celles et tous ceux qui veulent croire en une humanité débarrassée du racisme, de toutes les formes d’injustice et de discrimination.
En tant qu’artiste, je vois dans ce Mémorial à venir une source d’inspiration inépuisable. Je vois une création vitale et vivifiante pour notre jeunesse, car « comme l’homme a besoin d’oxygène pour survivre, il a besoin d’art et de poésie » (2). Le Mémorial, un lieu de mémoire et de partage, et aussi un lieu artistique, éminemment poétique.
Pour finir, permettez-moi de former un vœu. Puisse le Mémorial de Gorée rappeler au monde entier ces mots de Césaire : « les peuples noirs sont riches d’énergie, de passion, […] il ne leur manque ni vigueur, ni imagination. » (2)
Merci le Sénégal, deukou Teranga.
Merci Monsieur le Président.
Merci chers amis.
Colette CESAIRE
Représentante de la diaspora.
Discours prononcé lors de la cérémonie de la pose de la première pierre du Mémorial de Gorée.
Dakar, Sénégal, 06 janvier2024.
(1) Aimé Césaire, Cahier d’un retour au pays natal, éditions Présence Africaine.
(2) Aimé Césaire, Discours de Dakar, 6 avril 1966.
